Jean-Jacques Annaud, réalisateur « Notre-Dame brûle »
Rencontre avec le cinéaste Jean-Jacques Annaud.
Pourquoi un film sur l’incendie de Notre-Dame ?
Je n’avais pas la télévision le jour où ça s’est passé, j’étais dans une petite maison de bord de mer. La télévision ne marchait pas, j’attendais le discours de Macron lorsque les premières informations sont arrivées, j’ai compris l’ampleur internationale du drame et je me souviens m’être retourné vers mon épouse en lui disant “est-ce que tu t’imagines le nombre de crétins qui vont se précipiter pour faire un film sur ce sujet” et le crétin c’est moi. Enfin, nous sommes un certain nombre de crétins et je fais partie d’un de ceux-là.
Quels ont été les principaux challenges du tournage ?
Plutôt moins que d’habitude. Si vous voulez, le tournage était très technique mais en même temps très émouvant parce que j’ai des beaux personnages, des personnages riches en générosité, en émotions aussi et ça c’était un peu le côté inattendu de ce film avec une dramaturgie imposée par la réalité qui est une dramaturgie complètement spectaculaire, complètement véritable. Donc c’est un vrai film de fiction basé sur des faits authentiques.
Le film se déroule sur 24h ?
En vérité, j’ai été appelé par mon ami Jérôme Seydoux qui me dit “écoute, j’ai un truc à te proposer un peu bizarre mais comme tu aimes faire des choses différentes à chaque fois…”. Donc je suis allé déjeuner chez lui et sa proposition était de faire un documentaire mais pour le grand écran, du cinéma spectaculaire, un documentaire sur Notre-Dame. Alors moi je suis pas du tout quelqu’un qui fait du documentaire mais je me suis dit “pourquoi pas ?”. Et le soir-même, j’ai lu les quelques éléments qu’il m’avait donnés et j’ai failli le rappeler à 1h du matin en lui disant “c’est d’accord” mais évidemment pas pour un documentaire. Il n’y avait pas le matériel pour faire un documentaire spectaculaire d’une heure et demie ou de deux heures. En revanche, j’ai trouvé des ressorts dramatiques dans la vraie histoire qui étaient absolument invraisemblables et le mot invraisemblable s’applique sur les événements réels qui se sont passés. Donc si vous voulez, le mélange d’authenticité et de beaux personnages dans une dramaturgie exemplaire, m’a fait m’enthousiasmer vraiment depuis le début. J’ai écrit d’ailleurs le scénario beaucoup plus vite que d’habitude, peut-être j’avais envie de dire malgré le confinement ou grâce au confinement, j’étais isolé chez moi à la campagne, j’ai travaillé très bien, j’ai fait une version avec Thomas Bidegain et ça s’est très bien passé aussi. Donc si vous voulez ça a été une opération très jouissive parce qu’enthousiasmante en vérité. J’ai toujours aimé un cinéma de spectacle et d’émotions, un cinéma qui raconte des histoires autour de personnages que j’aime être généreux et là c’est le cas. Vous savez quand on a l’enthousiasme dès le départ, après ça communique à tout et donc c’était un film incroyablement agréable. Difficile mais justement c’est bien quand c’est difficile.
Comment avez-vous reconstitué Notre-Dame ?
Le point de base évidemment c’est que tout ce qu’on a été amené à brûler ou à mouiller parce qu’évidemment comme vous savez les incendies déploient beaucoup d’eau, tout ce qui était dans cette catégorie, j’étais obligé de le reconstituer à la taille 1. J’adore ça. J’avais fait ça sur “Le Nom de la rose”. Je me souviens à l’époque je n’étais pas content parce que certains journaux français avaient trouvé que ça ressemblait à de la maquette alors que tout était de grandeur réelle. Bien sûr j’ai fait, grâce à Jean Rabasse qui a fait un travail absolument admirable avec ses équipes, on a reconstitué véritablement à l’identique même parfois avec des moulages. Ce qui n’était pas brûlé ou trop mouillé, je l’ai tourné dans différentes cathédrales car comme vous le savez sans doute, Notre-Dame est une des premières cathédrales gothiques au monde mais la toute première, la maman de Notre-Dame, c’est la cathédrale de Sens. Et tout ce qui est en plongée est très très similaire parce que le dallage est très similaire, la pierre est très similaire et c’est un gothique aussi encore avec des traces de roman. Tout ce qui est en contre-plongée néanmoins je l’ai fait à Bourges et j’ai fait quelques plans à Saint-Denis et quelques plans à Amiens et je suis très heureux. Je pense que mon métier c’est un peu la prestidigitation et nous-mêmes qui avons tourné dans ces différents endroits on arrive même plus à se souvenir où c’est. Bien entendu qu’il y a des images de Notre-Dame. J’ai aussi tourné à Notre-Dame dans les superstructures, dans la sacristie, tout ce qui était accessible ou tout ce qui était filmable dans ce qui reste de Notre-Dame, de très beaux restes d’ailleurs. Donc si vous voulez c’est un mélange, il faut que ça ressemble de très près à Notre-Dame et ça le fait.
Vous avez intégré des vidéos originales de l’incendie ?
Il y avait beaucoup d’images qui circulaient, j’ai pensé qu’il y en avait certainement d’autres qui n’étaient pas exploitées et nous avons fait un appel et nous avons reçu la première semaine 6000 vidéos. On a mis des gens pour évidemment les sélectionner et je dois dire qu’on a des images originales qui sont vraiment formidables. Alors ça ne compte que pour 7% du film mais bien entendu que je n’allais pas remettre le feu à la cathédrale et moi ce n’est pas mon genre de faire des rajouts numériques et tout ça, je trouve ça à chier. Ou bien c’est très bien fait et ça coûte très très cher mais là comme il y avait des images absolument spectaculaires et extraordinaires faites par des gens qui parfois filmaient très très très très bien alors je suis maintenant copain avec pas mal de gens de la rue du Cloître, c’est la rue d’à côté, les gens d’en face, c’est la préfecture de police, etc. Et plein de gens sont venus pendant mon tournage avec une clé USB en me disant “écoutez on a mis des images pour vous, etc.” et ce qui m’a beaucoup troublé presque c’est que certaines images je les ai vues seulement après avoir tourné or elles étaient complètement raccord avec ce que j’avais tourné parce que j’avais sur place les pompiers qui me disaient “bah moi j’étais là et puis il y avait mon copain qui était là aussi et il était à gauche”. Et du coup c’est complètement raccord parce que j’ai tourné sur le parvis de Notre-Dame longtemps. C’était une expérience très amusante. Ce n’est pas la première fois que je pars d’histoire réelle, j’avais fait un film qui s’appelait “Stalingrad”, “Enemy at the Gates en anglais”, basé sur une recherche historique précise mais enfin des évènements qui se passent en 1942 ce n’est pas comme des événements qui se passent l’année d’avant. Donc là j’ai eu accès aux véritables personnages qui ont été d’ailleurs extraordinaires dans leurs confidences. Les gens n’imaginent pas ce qui s’est passé parce qu’ils ont vu ce que tout le monde a vu, des images d’extérieur d’un bâtiment mythique qui brûle. Mais quand on voit ce qu’ont fait les pompiers à l’intérieur dans la claustrophobie, la fumée, des flammes de 1200 degrés, c’est invraisemblable. Ça j’ai filmé, j’ai reconstitué avec beaucoup de joie. C’était dangereux mais on a eu un tournage extrêmement fluide, bien préparé, bien fait avec des gens qui se sont bien occupés de la sécurité donc je suis très heureux.
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