Rencontre avec Sophie Cazes, directrice générale adjointe de la Fémis
MC : Pour commencer, pourriez-vous vous présenter en nous précisant quel est votre rôle au sein de l’école de La Fémis à Paris ?
SC : Je suis Sophie Cazes, directrice générale adjointe de La Fémis. Depuis plus de 25 ans, mon parcours est exclusivement consacré à la culture (musées, cinéma,…). Avant de rejoindre La Fémis, j’ai travaillé au Centre Pompidou (10 ans), au CNC, à la Cinémathèque française (11 ans), et j’ai été conseillère technique cinéma et jeu vidéo auprès d’Aurélie Filippetti alors ministre de la Culture. Ma mission à la Fémis vise à travailler auprès de Nathalie Coste Cerdan, la Directrice Générale, sur des sujets liés à la conduite du changement. J’accompagne ou porte des réflexions qu’il faut initier concernant les formations, France 2030 comme la grande fabrique de l’image, l’organisation de La Fémis (les locaux, l’affichage,…). J’ai également deux missions plus spécifiques : je supervise les questions de communication et d’informatique, en lien avec des collaborateurs dédiés.
MC : Si l’on revient à l’idée de changement, La Fémis a ouvert deux nouveaux cursus en 2013 autour des séries et d’un doctorat. Vous qui êtes arrivée assez récemment, avez-vous de nouveaux projets pour 2023/2024 ?
SC : La Fémis est une école d’art publique à la réputation internationale qui forme à tous les métiers artistiques, techniques et économiques (sauf de comédien) du secteur du cinéma, ainsi qu’à la création et écriture de séries. Nous agissons sur trois champs très importants pour nous : la formation initiale, la formation continue et l’égalité des chances. En sont issus par exemple, Julia Ducounau Palme d’or 2021 pour son film “Titane”, François Ozon, Alice Winocour ou encore en séries Thibault Valetoux pour sa série “Sentinelles”. Les formations initiales que vous citez en 2013 s’inscrivent dans la continuité de notre histoire. La Fémis existe depuis 1986, et est l’héritière de l’IDHEC. La Fémis a ainsi toujours recherché à s’adapter aux besoins du marché cinématographique et audiovisuel en adaptant ses offres de formation. Aujourd’hui, La Fémis propose 11 cursus pour former aux métiers de chefs de poste en formation initiale : réalisation au sein du cursus principal mais aussi au sein du programme La Résidence, scénario, montage, image, son, production, décors, scripte, distribution, exploitation, écriture/création de séries. S’ajoute en effet depuis 2013, un doctorat SACRe porté avec les écoles d’art et l’ENS qui sont tous membres, comme la Fémis, de l’université Paris Sciences&Lettres. Actuellement, nous portons de nouvelles ambitions vers une plus grande ouverture même si l’image de nos étudiants a beaucoup muté à travers le temps (parité homme/femme, plus de 60% d’étudiants hors Ile-de-France, plus d’un tiers bénéficie de bourses ou aides d’étude, près de 50% d’étudiants sont issus des catégories INSEE dites “intermédiaires” ou “défavorisées”, 10% des étudiants sont issus du monde professionnel…). Cette plus grande ouverture passera encore par deux projets complémentaires aux offres existantes : concernant une formation à l’initiation à l’écriture des séries et une autre en lien avec l’INA et France TV Studio pour ouvrir une classe alpha à Marseille dont la Fémis porterait un volet d’initiation à l’écriture de séries digitales. Nous visons aussi de favoriser davantage la progression au sein des métiers comme vers des postes d’ensembliers ou d’assistants de chefs décorateurs, à travers un autre projet de nouvelle formation au décor, en direction de tournages de films et séries. Enfin, nous voulons également nous ouvrir à des profils plus nombreux, notamment en initiant des formations en ligne.
MC : Vous avez mentionné quelque chose d’assez important dans votre réponse : la diversité. Votre école n’est pas constituée d’enseignants permanents mais de plus de 500 intervenants différents par an. Est-il nécessaire pour vous de faire intervenir autant de profils variés ?
SC : C’est absolument crucial, c’est ce qui caractérise notre école. Nous n’avons que des professionnels en activité, au nombre d’environ 1200 par année pour la formation initiale et formation continue. Nous considérons que c’est par cette voie là que nous pouvons rester en phase avec ce qu’est la réalité du marché du travail, de chaque profession. Les intervenants repèrent aussi les étudiants, apprennent à les connaître, font appel à eux plus tard sur des projets ou tournages. Nous sommes dans une mission de transmission et ce lien “intervenants professionnels et étudiants ou stagiaires” y participe. Il est aussi l’une des voies pour favoriser l’insertion des étudiants et stagiaires dans leur vie professionnelle.
MC : Il y a un an, une enquête avait été menée par L’industrie du rêve autour des formations cinématographiques et audiovisuelles. Pensez-vous qu’aujourd’hui, ces formations répondent toujours aux besoins du secteur ? Et comment essayez vous d’améliorer cela avec votre école ?
SC : Nos formations existantes sont nombreuses tant en formations initiales que continues. Les taux d’insertion professionnelle sont élevés en formation initiale avec des taux de 90% voire de 100% selon les cursus. Ces formations répondent donc aux besoins du secteur. Nous nous ré-interrogeons tous les ans à leurs propos lors de l’élaboration des programmes pour nous ajuster autant que possible. Cependant, c’est la première fois depuis 10 ans que nous menons un projet de réforme pédagogique de grande ampleur, notamment pour le cursus principal. Nous faisons face au besoin de repenser la place du réalisateur, pour mieux faire comprendre en quoi consiste ce métier (qu’apprendre et avec quelle progressivité ? comment diriger des acteurs et des équipes de tournages ?…). Les projets de formations mentionnées plus tôt, sur l’écriture des séries et les métiers du décor, viendront compléter notre offre existante. Demain, nous souhaiterons à travers elles, si la Fémis est lauréate de l’appel à projet, aller chercher des profils antérieurs au bac +2, avec pour la série, une envie de toucher des jeunes issus de toutes origines sociales et intéressés par tous les genres d’art (poèmes, chansons, jeu vidéo, séries, films…). Certaines compétences sont en effet en carence et en tension d’après une étude du CNC pour l’appel à projet “La Grande Fabrique de l’image” face à l’arrivée de nouvelles offres de plateformes en France, qui vont avoir besoin de produire davantage d’œuvres. Donc effectivement, nous avons notamment un besoin et une envie à la Fémis de venir compléter l’offre d’une part de scénaristes, en lien notamment avec des producteurs et diffuseurs français qui en seront partenaires, et d’autre part d’équipes du décor, grâce à un éco-système inédit avec les Gobelins, L’Ecole Louis Lumière, des maisons de location comme Les 2 Ailleurs, ou encore d’effets visuels comme Mikros, et la société de matériels et de studios TSF.
MC : Voudriez-vous ajouter quelques mots sur votre école ?
SC : J’aimerais ajouter que La Fémis souhaite continuer à se développer en complétant son offre en matière d’éco-responsabilité, pour les producteurs et directeurs de production, en créant via “La Grande Fabrique de l’image France 2030” un partenariat avec EcoProd. Mais aussi avec trois formations en E-Learning avec LAFAAAC, et 4 autres écoles d’art, que nous souhaitons proposer via l’appel à projets “Compétences et Métiers d’avenir”, pour toucher plusieurs centaines d’étudiants et les professionnels en activités partout en France voire à l’international pour apprendre à analyser les pilotes de séries, la structure d’une série en lien avec Ciclic ou encore la médiation du public dans le secteur de l’exploitation avec le soutien de l’ADRC et de la FNCF.
Interview réalisée par Margot Costa
Retrouvez Sophie Cazes :
PAVILLON TILLEULS
10h30-11h30
Les métiers techniques et la formation initiale. Où en est-on aujourd’hui ?
(par l’industrie du rêve)
Modération : Anne Bourgeois, Vice-Présidente de L’industrie du rêve
Intervenants :
- Sophie Cazes, directrice générale adjointe de la Fémis
- Luc Pourrinet, directeur du développement d’Artfx
- Vincent Lochmann, responsable du département Études et Pédagogie INA
- Franck Pettita, directeur général de l’École Georges Méliès
- Christine Raspillère, directrice de production, Peninsula Pictures/Clicquot LLC
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