Rencontre avec Monia Ait El Hadj, coordinatrice intimité

MC : Pourriez-vous commencer par vous présenter en quelques mots ?

MH : Je suis Monia Ait El Hadj, coordinatrice d’intimité.

MC : C’est un nouveau métier en France ?

MH : C’est un métier qui n’est pas si ancien que ça, même aux Etats Unis, il a été créé officiellement en 2017/2018 dans les studios américains. Mais c’est vrai qu’en France, c’est un métier que je fais depuis 3 ans.

MC : Vous pourriez nous en dire un peu plus ?

MH : Une coordinatrice d’intimité est une personne qui va venir collaborer et assister la mise en scène, les comédiens, pour créer des scènes d’intimité et de nudité. C’est aussi une personne qui va s’assurer du consentement des comédiens pendant le processus créatif et qui va venir apporter un cadre sécurisant à la préparation de ces scènes.

MC : ll y a un avant et un après  #MeToo ?

MH : C’est vrai que le mouvement #MeToo a été un coup de projecteur, pas juste sur l’intimité, mais c’est vrai qu’on demande énormément de choses aux comédiens, notamment de s’investir physiquement, émotionnellement, de prendre des risques,… Hors, en face, qu’est ce qu’on met en place pour créer un environnement sécurisé où on peut être vulnérable et travailler sur le corps. Donc oui, en effet ce mouvement a un petit peu stoppé une façon de travailler où ces scènes étaient laissées à l’improvisation.

MC : Comment se forme t-on ?

MH : C’est un métier qui nécessite différentes compétences. Moi, j’ai des compétences juridiques, j’ai fait une école de psychologie et de cinéma, je me suis aussi formé au yoga puisque je travaille le corps. Et je me suis vraiment formée à ce métier auprès d’une coordinatrice américaine. C’est pour ça que je dis toujours qu’il faut faire attention lorsque vous prenez une coordinatrice d’intimité, il faut vérifier ses compétences et formations et que ce n’est pas juste un titre. On parle d’intimité donc il faut avoir une communication assez ouverte sur ces sujets-là.

MC : Ce métier est-il suffisamment pris au sérieux ?

MH : Oui, je me sens prise au sérieux. Mais il reste de la méconnaissance car les gens se demandent en quoi cela consiste,… C’est un métier qui vient des Etats Unis donc on se demande ce que je vais faire, si je vais venir les censurer, alors que ce n’est pas du tout le propos. Moi je dis toujours que je ne suis pas la “moral police”, que je ne vais venir effacer l’intimité/la nudité de l’écran. Au contraire, c’est vraiment pour permettre au metteur en scène d’utiliser la nudité, la sexualité, le corps, d’une manière artistique mais aussi dans un contexte professionnel.

MC : Des exemples de projets ?

MH : J’ai travaillé dernièrement sur beaucoup de séries. Celle dont on me parle le plus souvent, c’est Emily in Paris. Même si c’est une série où l’intimité est plutôt implicite et suggérée… je donne souvent l’exemple d’une scène de Hammam. Emily y arrive complètement emmitouflée dans un peignoir et se demande pourquoi tout le monde est nu autour d’elle. On travaille pas uniquement avec les comédiens principaux mais aussi avec les figurants et seconds rôles. J’ai aussi travaillé sur Marie Antoinette qui est sorti l’an dernier sur Canal Plus. Là aussi, il y avait de nombreuses scènes d’intimité. Mais tout le monde n’est pas au même stade, il y a de jeunes comédiens pour qui c’est la première expérience en termes de jeu comme d’intimité. Donc pour eux c’est extrêmement rassurant et ils n’ont même pas connu l’avant et demandent comment on faisait sans travailler ces scènes. Je fais toujours la comparaison avec un coordinateur de cascades, quand il y a de la violence, le réalisateur ne peut pas imaginer qu’il a les capacités pour chorégraphier et sécuriser les comédiens.

MC : Est-ce un métier qui va se multiplier ?

MH : J’espère ! C’est le but. Moi, en tout cas, j’essaye de faire preuve de beaucoup de pédagogie quand j’arrive sur les plateaux parce que les gens ne connaissent pas encore beaucoup ma fonction. Donc j’explique ce que je vais faire en amont, ce que je vais faire sur le tournage. C’est vrai qu’aujourd’hui je travaille sur beaucoup de productions étrangères et françaises, mais quand j’ai débuté ce métier c’était vraiment pour ma famille artistique française. Donc j’espère que ça va vraiment se développer.

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