Rencontre avec Jérémie Tondowski, co-fondateur de Neoset

MC : Pourriez-vous commencer par vous présenter en quelques mots ?

JT : Je m’appelle Jérémie Tondowski, je suis le président fondateur de la société Neoset. C’est un opérateur de solutions de tournage sur écran LED. Donc, on fait de l’intégration de VFX en direct sur les plateaux, en quelque sorte une mise à jour de la “transparence” avec les outils d’aujourd’hui.

MC : Quelle est la genèse du projet ?

JT : J’ai fait 20 ans de machinerie avant de me lancer dans cette aventure-là. Nous avons créé Neoset avec Alexandre Saudinos, qui venait de l’imagerie technique, principalement celle en 3D relief. Ça faisait un moment qu’on avait envie de monter quelque chose ensemble et puis il y a eu la sortie de The Mandalorian, avec les décors avec les histoires de perspectives calculées en temps réel, de trompes l’œil permanent affiché dans des écrans LED,… Et puis il y a eu le premier confinement, on a donc eu du temps pour monter un prototype qui s’est montré assez prometteur, alors on s’est lancé!

MC : Comment avez-vous appris ces techniques ?

JT : En tant que machiniste, j’avais eu la chance de travailler sur des séquences de voitures faites sur de la vidéoprojection, les concepts restent les mêmes. Ce sont des techniques que Méliès utilisait déjà, qu’on retrouve sur des films comme le King Kong de 1933, c’est aussi vieux que le cinéma, c’était même déjà utilisé dans les foires avant que le cinéma n’existe! Au fil du temps on en retrouve dans les films de Hitchcock ou James Cameron, tous ces concepts utilisant de la projection puis de la vidéoprojection et maintenant des écrans LED pour propulser des comédiens dans un décor, ça existe depuis les débuts. Il n’y a donc pas vraiment besoin de formation, les équipes de tournage ont l’habitude d’appréhender les nouvelles technologies, on l’a vu dans l’histoire récente avec le passage de la pellicule au numérique, HD puis 4k, avec l’arrivée de la LED et des systèmes DMX à la lumière, avec l’évolution des systèmes de monitoring, la modernisation des grues et des têtes remote, etc… On a surtout procédé à beaucoup de tests techniques, et on continue pour à chaque fois pousser plus loin la qualité de ce qu’on affiche et rendre le procédé complètement invisible pour le spectateur.

MC : Est-ce que vous pourriez nous parler de quelques projets ?

JT : Sur les deux dernières années, on a fait une bonne trentaine de projets de fiction. Ça va de la série Balthazar au long métrage Loin du Périph, pour des tournages en studio LED. Pour ce film avec Omar Sy et Laurent Lafitte, on a tourné 6 jours en studio LED, il en est sorti 300 plans qui n’ont pas été retouchés en VFX. Il y a aussi eu la série Vortex, avec un gros challenge technique pour afficher en temps réel de la pelure 360 et aussi faire des séquences de voiture. Il y avait toute une partie sur une plage, avec un mélange de techniques pour y réaliser environ 50 séquences à moitié en décor réel et à moitié sur 7 journées de tournage en studio LED. Et même en studio plusieurs technologies se croisaient avec à la fois du travail 3D temps réel (avec du tracking, des calculs de perspectives) mais aussi des pelures.

MC : Malgré tous ces projets, vous rencontrez encore des professionnels qui sont réticents face à ces nouveaux outils ? Il y a encore de la pédagogie à faire ?

JT : Oui, il y a encore des gens qui ont peur. Je peux le comprendre car il y a encore eu récemment des projets qui se sont mal passés, en France et à l’international. Le mur LED est un super outil quand on l’utilise pour ce qu’il fait bien, mais, contrairement à ce que j’entend parfois,  on ne peut pas envisager de tout faire avec. 

Lors des réunions préparatoires que nous faisons avec les équipes des films nous parlons beaucoup de ce qui fonctionne bien mais aussi de ce qui ne fonctionne pas et on parle sans langue de bois des limites du système. Informer chaque poste est indispensable, il y a des implications de découpage, de réglages caméra, de lumière, de déco… Encore une fois c’est un outil qui va très bien marcher dans certaines situations, où c’est transparent pour le spectateur, mais pour certains plans ça ne fonctionne pas. Au début de l’été nous avons fait un film dans lequel il y avait deux semaines en studio avec des découvertes sur écran LED, en réunion préparatoire on a soulevé le fait que 2 plans qu’ils souhaitaient faire sur écrans ne fonctionneraient pas, ils ont donc été fait sur fonds verts.

MC : Cette technologie a totalement trouvé sa place en France ?

JT : Je n’ai plus de doute sur sa place. En 2022, on a réalisé 20 tournages fiction, dont un de deux semaines pour Le roi des ombres (ce qui est assez long). Économiquement comme artistiquement parlant, c’était un vrai gain pour le film. Comme on était en studio, on avait un décor construit et on pouvait changer la météo, l’heure de la journée… C’est le but ultime, la technologie se met au service d’une histoire et vient améliorer le résultat final. On a aussi fait un film qui se passe dans un train, avec un énorme montage d’écrans. On avait 5 semaines de tournage, impossible à faire en réel et très onéreux sur fond vert. Encore une fois, ça a amélioré la créativité du film en réduisant les contraintes. On fait aussi des projets internationaux qui viennent tourner en France, on est notamment en préparation pour une série et sur un long métrage américain qui se déroule à Paris,… C’est intéressant sur les films de cascade car il y a une grande efficacité de tournage et surtout une sécurité totale pour les comédiens qui peuvent ainsi se concentrer sur leur jeux, au final, c’est eux qu’on filme, eux qui sont entre la caméra et les écrans, au centre de tout!

Interview réalisée par Margot Costa

Retrouver Jérémie Tondowski :

PAVILLON TILLEULS

14h00-15h15

Production virtuelle : Pourquoi et Comment ?

(par le CNC, l’AFC et Film Paris Region)

Modération : François Reumont

Intervenants :

  • Christian Carion, cinéaste
  • Pierre Cottereau, directeur de la photo
  • Xavier Plèche, directeur Picseyes
  • Jérémie Tondowski, co-fondateur Neoset
  • Florian Gallier, chef de produit, Mo-sys Engineering
  • Slimane Baptiste Berhoun, réalisateur
  • Lola Legros, Film Paris Region

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