Isabelle Manquillet, monteuse
A l’occasion de L’industrie du rêve 2020, Isabelle Manquillet nous a raconté son métier de monteuse.
Pourriez-vous en quelques mots définir votre travail ?
C’est une bonne question, ça ! Mon travail est, dans un premier temps, de récupérer les rushs d’un tournage, accompagnés d’un scénario, et d’engager un dialogue sur la dernière phase d’écriture d’un film avec le réalisateur et tous les partenaires, collaborateurs, techniciens, qui vont y participer au sein de la postproduction du film.
Cette dernière écriture est fondamentale car un film quand il sort d’un tournage n’est pas terminé. Ce qui me parait le plus essentiel dans ce travail, c’est la collaboration que je vais avoir avec le réalisateur au sein de son univers. Ce que je vais pouvoir lui apporter en terme de solution d’écriture, de réinvention, de redécouverte de son film. En fonction des points forts ou faibles des rushs, des conditions de tournages, de ce qu’il voulait, de ce qu’il n’a pas eu ou de ce qu’il a eu en plus. Tout cela fait partie des éléments que l’on récupère en salle de montage et que l’on va mettre à plat, rediscuter pour la construction finale du film, de l’histoire du film.
Vous aviez travaillé sur pas mal de films de genre ou fantastiques, comme L’heure de la sortie, La nuit a dévoré le monde ou Les particules. Est-ce un choix conscient ou est-ce parce que vous aviez envie de travailler avec ces réalisateurs-là ?
Il se trouve que j’ai monté Ni le ciel ni la terre de Clément Cogitore, qui est un film qui frôle un peu le genre mais qui n’en est pas pleinement un. Et comme Clément a amené quelque chose d’assez nouveau je trouve dans le cinéma, le film a été très très remarqué, alors j’ai eu des appels de réalisateurs qui voulaient me rencontrer pour leurs films. Et il se trouve que ces films avaient une partie d’écriture autour du film de genre. Mais, un jour on m’a proposé un vrai film de genre, que j’ai refusé, car ce n’est pas complètement mon univers.
Justement, quels sont vos critères, pour accepter un projet ?
La rencontre avec le réalisateur, puis le film. Après, s’engager sur un type de cinéma que l’on ne regarde pas, avec lequel on n’a pas beaucoup d’affinités, ce qui est mon cas avec les films d’horreur purs, c’est compliqué parce qu’on a l’impression de ne pas être à sa place. Or, quand on monte un film, il faut qu’on y soit à 200%, près du réalisateur, de son univers, de bien le comprendre.
Vous avez aussi monté des documentaires. Quelle est la vraie différence entre monter un documentaire et monter une fiction ?
La différence est surtout au niveau de l’écriture au montage parce que le documentaire est vraiment quelque chose que l’on écrit au montage. Bien sûr, il y a un projet, une direction, un thème, des interviews,… Une écriture, même, contenue dans les rushs. Mais la grosse différence, c’est que l’on arrive au montage en se disant « On va écrire le film. Réenvisager toute l’écriture du film ».
Alors qu’en fiction, on commence par conformer le scénario pour être dans les intentions du réalisateur. Puis ensuite, on réécrit en fonction de ce que l’on a, de ce que qui fonctionne, de ce qui ne fonctionne pas.
Il y a toujours une réécriture qui est beaucoup plus conséquente dans le documentaire. Et donc ça prend plus de temps. Il n’est pas rare qu’il y ait plus d’un an de montage sur un documentaire. En général, il y a beaucoup plus de rushs, cela peut être un documentaire tourné sur plusieurs années, plusieurs mois, des saisons. On n’est plus dans la même écriture.
Un film de fiction, c’est très rationnalisé, en termes de tournage.
Est-ce que vous trouvez que le métier de monteur/monteuse est plus masculin que féminin ou, au contraire, qu’il y a plutôt une bonne parité ?
Au départ, c’est un métier de femmes, dont les hommes se sont emparés, d’une certaine manière, ils s’y sont intéressés à partir du moment où on a dans l’histoire du cinéma introduit la narration, donc le récit.
Aujourd’hui, on est à peu près dans une parité homme/femme, du moins c’est ce que l’on remarque nous quand on fait des enquêtes au sein des Monteurs Associés. On remarque cependant que les hommes ont davantage la capacité de demander plus en terme de salaire. Donc en général ils gagnent plus. A partir du moment où ils sont installés dans le métier, ils sont plus à même, en terme de confiance, tout ça sur la base d’une éducation différente que l’on retrouve dans beaucoup de métiers.
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