Claire Mathon, cheffe opératrice

Claire Mathon, la cheffe opératrice du Portrait de la jeune fille en feu et d’Atlantique nous parle de son parcours et de la place des femmes dans son métier, à l’occasion du Micro Salon AFC.

Comment vivez-vous l’engouement autour de votre travail pour les films de Céline Sciamma et Mati Diop ?

Je suis très honorée et même impressionnée. Ça récompense aussi les films qui sont de vrais longs métrages « d’images » aux partis pris forts.

Vous faites partie du collectif Femmes à la caméra. Dans cette perspective, qu’est-ce que cela représente pour vous que l’on mette une directrice de la photographie ainsi ?

Je trouve ça toujours bien de montrer qu’il y a des femmes dans ce métier, d’ailleurs un peu plus en France qu’ailleurs. Il est important d’encourager ces femmes qui voudraient se diriger dans cette voie. C’est de bonne augure dans cette ère de quête de parité.

Pourquoi continue-t-on d’associer ce métier aux hommes plutôt qu’aux femmes ?

Je pense que ce sont des associations d’idées vieillottes qui ont la vie dure. C’est un métier historiquement associé à l’idée de responsabilité, de « chef », de « directeur », notions auxquelles on lie plus souvent les hommes. Mais c’est aussi un métier technique avec du matériel important et lourd, là aussi on imagine moins une femme. Mais les mentalités changent. Très lentement cependant. Il y a 20 ans, quand je suis sortie de l’Ecole Louis Lumière, je pensais déjà que ce type de réflexions était du passé, que tout ça était derrière nous. Mais je m’aperçois maintenant qu’il y a encore très peu de femmes et beaucoup de choses à changer. Personnellement, je n’ai pas trop souffert de ce sexisme là dans ma carrière ou du moins je n’en avais pas la sensation, je pensais juste qu’il fallait que je m’épanouisse créativement et que j’arrive à montrer que mon travail valait la peine. Une forme de méritocratie. Je ne m’étais jamais vraiment posée la question car je pensais que les choses étaient ainsi et c’est tout. J’avais eu l’impression d’être arrivée au moment de l’ouverture, après toutes ces femmes qui avaient dû se battre pour s’imposer. Mais 20 ans après, le constat n’est en réalité pas glorieux pour la profession, la progression est minime. C’est pour ça que les réflexions actuelles dans la société, globalement, et dans l’association Femmes à la caméra, plus spécifiquement, sont nécessaires car elles nous permettent d’ouvrir les yeux sur d’autres types d’expérience, d’autres parcours et d’autres manières de penser.

 Comment choisissez-vous les projets sur lesquels vous travaillez ?

 C’est une envie tout d’abord. Une envie du scénario, de la rencontre, de la collaboration, de se déplacer. Des envies qui dépendent aussi de notre parcours auparavant, de là nous en sommes au moment de la proposition. Le désir évolue avec l’expérience et les moments de la vie. J’aime à me dire que je vais me laisser surprendre. J’aime à me dire que je ne sais pas trop sur quoi ce choix se fait mais j’ai besoin de savoir que c’est bien mon choix. Et je me dis qu’il est important d’avoir des moments de latence entre chaque projet, car les films nous envahissent. Il faut le temps de s’aérer pour regarder, repenser, se requestionner. C’est essentiel.

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