Rencontre avec Christian Carion, cinéaste
OS : Pourriez-vous commencer par vous présenter en quelques mots ?
CC : Je suis Christian Carion, et le mot que je préfère c’est cinéaste. Je raconte des histoires pour le cinéma.
OS : Le film Une belle course raconte quoi ?
CC : Une belle course, c’est l’histoire d’une dame âgée que joue Line Renaud, qui ne peut plus rester chez elle. Elle appelle un taxi, interprété par Dany Boon, car elle doit se rendre dans un ehpad qui est à l’autre bout de Paris. Elle lui dit : “Je suis pas très pressée d’arriver, je vais vous demander de passer par des endroits qui ont compté dans ma vie dans Paris, que je voudrai revoir une dernière fois”.
OS : C’est un sujet qui vous tient à cœur ?
CC : D’abord, c’était un scénario qui était écrit au départ, que j’ai reçu et qui m’a énormément touché. Ça m’a touché pour pleins de raisons, probablement parce que j’ai perdu ma maman, il y a pas très longtemps.
Et aussi parce qu’au sortir des confinements, il n’était plus possible de voir les aînés et je crois que beaucoup d’entre eux sont morts, non pas du Covid, mais de solitude, de tristesse, de chagrin. Et donc, là j’aimais bien cette histoire où, dans un taxi vous savez, c’est un peu un lieu clôt ambulant, soit les gens ne se parlent pas du tout soit ils se parlent. Et quand ils se parlent ça peut aller loin. Il était une fois dans un taxi, et je trouvais ça très beau.
OS : Vous avez fait appel à de la production virtuelle pour tourner ?
CC : C’est un projet que j’ai produit avec mon épouse, sur notre société Une hirondelle Production, donc on avait la responsabilité et la charge de tout. Quand on a tourné, Line Renaud avait 93 ans et j’ai dit à l’équipe “Je refuse d’emmener Line Renaud sur une voiture travelling dans un Paris où on avance plus de toute façon, ça va être un cauchemar, elle va mourir et nous avec.”. Et donc le chef opérateur, Pierre Cottereau, me dit “Ecoute, il y a un procédé avec des écrans LEDs, j’ai fait un petit truc pour Canal, mais ça pourrait se prêter pour ce film là.”. On a trouvé des gens qui étaient excités par l’idée de recevoir un film qui se tourne de cette manière donc ils ont joué le jeu avec nous. Donc on a eu du temps, c’est très important le temps, et l’espace pour faire nos essais. On a mis des semaines à essayer, en faisant des vraies images de Paris, de les projeter sur ces écrans LEDs. Il fallait voir les angles, les distorsions, les luminosités, les rendus dans la voiture,…On a eu trois mois d’essais grandeur nature pour avoir le meilleur rendu possible à l’arrivée.
OS : Comment cela fonctionne ?
CC : Ces écrans LEDs, c’est une façon de réinventer les fameuses transparences qu’on faisait comme dans les films de Claude Sautet, ceux d’après guerre. Ils projetaient sur des écrans des images, avec un projecteur. Ici, c’est des écrans 4K assemblés, qui forment un angle en L et la voiture pivotait pour ne pas faire bouger les écrans. C’est une réinvention, plus simple, des transparences. Les transparences ça se sent.
OS : C’est la première fois que vous travaillez avec Pierre Cottereau ?
CC : Non, avec Pierre Cottereau, on avait déjà fait un film, En mai fait ce qu’il te plait, mais pas en studio puisque ça se déroulait dans les campagnes du Nord Pas de Calais, c’est un film sur l’exode de mai 40. Ce n’est pas la première fois que je tourne dans un studio, je l’avais déjà fait sur L’affaire Farewell, aussi. On a essuyé des plâtres, surtout dans la préparation. A un moment donné, on a compris qu’il fallait aussi avoir un écran au-dessus de la voiture pour filmer le ciel, pour amener une variation de lumière qui se sente à travers le pare-brise,… Dès qu’on a mis en place cette idée, la variation de lumière dans la voiture faisait qu’on était plus dans un aquarium, c’était bluffant. Ce qui a affirmé le réalisme de cette technologie, c’était aussi quand on a sonorisé les images muettes. Quand on a pu ramener du son de mobylettes, de la vie dans Paris, là c’était terminé, il y avait plus débat.
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