Eric Gautier, directeur de la photographie
Eric Gautier nous parle de son métier et notamment de travailler avec un réalisateur face à la barrière de la langue, à l’occasion du Micro Salon AFC 2020.
Vous avez travaillé avec Hirokazu Kore-eda sur La Vérité. Comment se déroule un tournage avec un réalisateur donc vous ne partagez pas la langue ?
J’avais déjà travaillé avec un réalisateur asiatique Jia Zhangke mais ce dernier parlait un peu anglais, une traductrice était donc présente quand nous avions besoin d’aborder des sujets plus pointus. Mais Kore-eda, lui ne parle ni français, ni anglais. Donc c’est vrai que pour communiquer nous avions mis en place une sorte de langage des signes bien à nous et parfois une traductrice intervenait. C’est vrai, que j’aime moins quand il y a un intermédiaire entre le cinéaste et moi. Nous arrivions relativement bien nous comprendre, notamment parce que je connais bien son cinéma et que, lui, s’il m’a choisi, c’est aussi parce qu’il connaît mon travail. Je lui avais demandé quand même des petits dessins pour comprendre vraiment les angles, quelles émotions il souhaitait filmer. C’était assez simple, dessiné de façon presque écolière avec de l’aquarelle, c’était vraiment charmant et très utile. Ce tournage fut un peu comme un morceau de jazz : il y a une partition mais on improvise dessus. Et finalement, on arrive à se comprendre. Vous savez, il y a des réalisateurs français qui peuvent me parler pendant une demi-heure et je ne comprendrais rien de ce qu’ils veulent ou chercher et Kore-eda en deux gestes, je saisis tout. Tout cela est très relatif et en revient à l’humain.
Comment travaillez-vous avec un cinéaste ?
C’est avant tout l’affaire d’un rapport de confiance et de complicité. C’est essentiel. Il faut qu’un réalisateur m’emmène et que de mon côté, je sois, au début, très modeste, ne pas avancer mon avis et très à l’écoute. La préparation est donc essentielle. J’ai besoin de m’imprégner car un scénario ce n’est qu’une ossature, donc j’ai besoin de plus pour aider à élaborer le film.
Comment choisissez-vous un projet ?
Ça n’a jamais été le scénario, ça a toujours été la personne. C’est comme partir en voyage. Finalement la destination n’est pas l’essentiel, c’est avant-tout la personne avec qui on voyage. J’aime bien aussi faire des choses différentes. Donc si j’ai tourné un film à gros budget, je préfère enchaîner avec quelque chose de plus petit. De même, j’ai tourné en France donc j’étais ravi de poursuivre derrière avec l’Israël pour Amos Gitaï.
Crédits: Grace de Monaco – Nicole Kidman + Eric Gautier à la caméra – Photo de David Koskas
Comment vous définiriez le métier de directeur de la photographie ?
Quand je tournais avec Patrice Chéreau Ce qui m’aime prendront le train, il y avait une dame, qui était figurante, qui me dit « Mais en fait, vous êtes l’assistant de Patrice Chéreau ? ». Et j’ai trouvé ça très joli car c’est presque ça. Je me sens comme un interprète ou un traducteur. Mon rôle est de faire passer ce qu’il y a dans la tête d’un réalisateur, son rêve, en images. Comme un traducteur qui transmettrait de la poésie russe en français, il y a toujours un peu d’interprétation car le mot à mot n’aurait aucun sens. C’est très délicat car il ne faut pas trahir la pensée du cinéaste, tout en ayant pour ambition de la rendre plus forte.
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