Michel Barthélémy, porte parole du collectif EcoDéco
A l’occasion du Production Forum 2020 où était présenté un décor 100% éco-responsable, Michel Barthélémy, chef déco et membre de l’association ADC – EcoDéco, nous parle des nouveaux enjeux de ce métier.
Pourquoi l’idée de mettre en avant ce décor éco-responsable à l’occasion du Production Forum ?
Cette année, on voulait mettre l’accent sur la thématique environnementale dans notre métier. On a donc conçu un stand à plusieurs objectifs. Un objectif de sensibilisation tout d’abord, pour parler de notre sujet et se dire
qu’il fait vraiment que l’on s’en occupe, que l’on ait des réflexions et des actions quotidiennes avec les industriels sur ces problèmes spécifiques. Car nos problèmes sont ceux de l’industrie mais comme nous allons très vite, on construit, on utilise et on met à la benne, on peut voir en accéléré toute l’ampleur de cette problématique.
Donc avec ce stand, on montre que le développement durable est une thématique compliquée dans ce métier car il y a énormément d’axes qui se croisent.
Il faut d’abord s’intéresser aux matériaux qu’on utilise, l’historique des matériaux. Il faut trouver des matériaux plus vertueux. Cette marche vers l’éco-conception, signifie qu’il faut d’abord utiliser des matériaux bio-sourcés, parmi les matériaux classiques, soit les améliorer en s’arrangeant pour évacuer les composants toxiques, tout ce qui est un peu pétro-sourcés, soit innover et trouver des nouveaux matériaux. Il y a donc de l’innovation dans l’industrie, avec par exemple des bioplastiques, avec de l’amidon de maïs, de l’amidon de pommes de terre, avec du blé. Et il faut développer à un niveau industriel ce genre de produits et voir après les problèmes que cela peut entrainer. Il faut aussi trouver un moyen d’être plus modeste dans la consommation des matériaux. Il faut consommer au plus juste donc éco-concevoir des décors pas trop gourmands en matériaux. Il est ensuite nécessaire de se préoccuper dès le moment de la construction de la phase de démontage des décors où l’on va essayer de s’orienter davantage vers une déconstruction de façon à réellement pouvoir obtenir le moins de déchets possible, à la benne, enfouis ou incinérés. Il faut que les éléments de décors, les différents produits que l’on construits soient recyclables ou réemployables.
On va aller chercher des techniques anciennes qui ont été abandonné pour des problèmes de rentabilité. Dans les années 80, on a laissé tomber des systèmes qui étaient relativement vertueux, où l’on réutilisait notamment des panneaux de bois, appelés feuilles décor, donc avec plusieurs vies, au profit d’une consommation de matériaux, parce que c’est une chaine commerciale, tout le monde marge à chaque étape : entre le transport, la livraison chez les producteur, l’arrivée au studio et dans nos mains. C’était aussi lié à des problèmes de stockage (mètre carré, pression de l’immobilier) et aussi lié au coût de la main d’œuvre. Car les panneaux que l’on recyclait et remployait demandaient une main d’œuvre pour les manipuler, les stocker, les ranger. Il faut donc retrouver ces bonnes pratiques oubliées, quitte à ce que ce soit sous une autre forme, c’est-à-dire pas forcement à l’intérieur des studios, ça peut être à l’extérieur, chez des prestataires, dans des recycleries, des ressourceries, qui mettent en place des circuits de réemploi. Mais dans tous les cas, il faut aussi une espèce de volontariat du côté des constructeurs.
On s’intéresse aussi sur ce stand à des fabrications de feuilles avec la possibilité de réemploi mais également au traitement des eaux polluées par la peinture car on n’est pas toujours dans les conditions idéales d’un studio équipé de retraitement de peinture.
On voit bien que cela touche beaucoup de problématiques à la fois, parfois même en dehors de l’industrie cinématographique même…
Les problématiques sont un peu complexes car il faut à la fois des réponses d’ingénieurs, d’économes, des réponses des institutions, des réponses de notre branche, de nos corps de métiers, pour développer de manière plus vertueuse l’espace créatif de la construction de décors. L’idée, c’est évidemment de rester créatif, de ne pas se punir, d’être innovant et de faire la part belle aux métiers des arts décoratifs. C’est aussi ça que l’on montre sur ce stand puisqu’il y a de beaux éléments, comme une imprimante 3D. Donc ça, ce sont les produits innovants. On a montré des produits imprimés avec des bioplastiques, qui sont des mélanges de fibres de chanvre et de plastique d’amidon de maïs. Il y a des mélanges de bioplastiques de différentes qualités. Cela montre que l’on peut aussi être dans le monde du XXI siècle mais en ayant des produits bio-sourcés. C’est donc ça la direction qu’il faut prendre mais cela va être plus complexe que ça. On s’aperçoit à chaque étape de réflexion que l’on doit trouver des solutions moins pires, qu’il y a des actions quotidiennes à faire. On compte d’ailleurs mettre en place des modules de formations, de communication dans les écoles d’arts décoratifs et de cinéma, pour que les étudiants, nos futurs collègues, soient un peu plus armés, avec une réflexion sur le sujet.
C’est donc le but du collectif EcoDéco ?
C’est un collectif qui est commun aux deux associations : ADC, l’Association des Décorateurs de Cinéma et MAD, les Métiers Associés aux Décors. Se sont agrégés également à EcoDéco des gens qui ne font partie d’aucune des ces associations mais qui sont intéressés par cette thématique. Il y a quand même un écologiste qui sommeil en chacun de nous. Et collectivement, on aura plus de force que chacun dans son coin. On peut partager des pratiques, des bonnes trouvailles, des bonnes ficelles, c’est vraiment un travail collectif et bénévoles.
Pour l’instant EcoDéco est un groupe de travail de nos deux associations au niveau de l’Hexagone. Assez vivante et assez active, avec un certain nombre de groupes de travail, sur nos conditions de travail, nos contrats de travail. Cette année, on en a à peu prés une douzaine et il y a cette thématique d’éco-responsabilité qui est saillante car évidemment cela parle aussi de nos conditions de travail, de l’hygiène, de la sécurité au travail. C’est forcement lié, une planète verte fonctionne avec nos poumons verts.
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