Déborah Papiernik, SVP new business & strategic alliances chez Ubisoft

Rencontre avec Déborah Papiernik, d’Ubisoft qui est senior VP sur les développements de nouveaux business et alliances stratégiques.

En quoi consiste cette branche chez Ubisoft ?

 L’idée de ce département c’est d’aller au-delà du jeu vidéo soit pour proposer de nouvelles expériences basées sur nos marques à nos fans soit pour aller toucher des nouveaux publics en utilisant à la fois nos marques et nos expertises. Et on développe de nouvelles expériences dans le domaine du live, du location based entertainment par opposition aux jeux consoles ou PC qu’on peut jouer à la maison, dans le domaine de la santé, de la culture, de l’éducation, de la mobilité. C’est très vaste en fait. On peut toucher un peu tous les domaines. Mes activités sont des activités qui n’existent pas encore chez Ubisoft. On a déjà du film, on a déjà des BDs, des livres. On a déjà pas mal de choses en diversification et moi je vais toucher des nouveaux secteurs.

Auriez-vous des projets à nous citer ?

Alors par exemple on a développé une attraction en réalité virtuelle qui est un simulateur de montagnes russes sous forme de borne d’arcade. C’est parti au départ d’un projet de recherche pour voir ce qu’on pouvait imaginer avec la réalité virtuelle donc partant vraiment de la technologie et puis finalement on a abouti à une borne d’arcade qu’on a développé avec un partenaire. Nous on a fait le contenu et eux ont fait la fabrication de la borne et font la commercialisation et c’est devenu la référence en termes de borne d’arcade réalité virtuelle dans le monde avec Les Lapins crétins alors que Les Lapins crétins sont peut-être pas la licence la plus connue aux États-Unis, ça marche très très bien aux États-Unis par exemple. On a aussi un projet dont je suis très fière qu’on a fait l’année dernière sur Lady Sapiens. C’est un documentaire sur le rôle de la femme dans la préhistoire qui a été fait en coproduction avec France Télévisions et avec une société de production française et une autre canadienne. Ils avaient pas d’image pour illustrer parce qu’il y a pas beaucoup d’iconographie, d’images qui montrent un rôle actif et positif de la femme quand on va regarder un peu les films et il se trouve qu’un des co-scénaristes du documentaire avait été conseiller scientifique sur Far Cry Primal qui est un jeu d’Ubisoft, qui est un jeu pour les plus de 18 ans, un jeu d’action mais sur lequel on avait reproduit une préhistoire qui était valide au niveau historique et on s’est mis d’accord avec le producteur du documentaire et ils sont venus filmer à l’intérieur du jeu. À l’intérieur des jeux on a comme une caméra qui fonctionne un peu comme un drone et qui permet de filmer à l’intérieur de ce monde en 3D pour venir accompagner le propos scientifique et au final sur 90 minutes de docu, on a 17 minutes de Far Cry Primal. C’est la première fois qu’un jeu vidéo vient illustrer un docu scientifique et ça a un succès énorme. II a été diffusé en France sur France 5 dans la case science grand format fin septembre. D’habitude ils font des audiences à peu près 700 000, là ils ont fait 1,4 millions en première diffusion. Et puis il y a déjà eu une diffusion US et il y a des diffusions prévues partout à l’international. Et en parallèle de ça, on a fait aussi une expérience en réalité virtuelle. On est reparti encore de matière développée dans le jeu et on a créé une expérience en réalité virtuelle qui met vraiment dans la peau de Lady Sapiens et qui est montrée par exemple au Muséum d’Histoire Naturelle à Paris.

Vous avez un nouveau projet autour de Notre-Dame ?

Alors Notre-Dame, en réalité ça commence en 2014 parce qu’on a fait un jeu Assassin’s Creed Unity sur la Révolution française et dans ce jeu on a reproduit plein de monuments dont Notre-Dame et ce modèle de Notre-Dame qu’on a fait qui est un modèle fait à la main par des graphistes qui a demandé 5000 heures de travail a été salué au moment de la sortie du jeu parce qu’il était absolument magnifique. Et au moment de l’incendie, les gens ont partagé des images, des vidéos, des photos de leur visite de Notre-Dame, tous leurs souvenirs de Notre-Dame et les joueurs eux, ils ont partagé des vidéos prises à l’intérieur du jeu Assassin’s Creed Unity. C’était ça en fait pour eux l’émotion Notre-Dame, c’était ce qu’ils avaient vécu dans le jeu. Nous bien sûr, ça nous a émus. En tant que boîte française on a donné de l’argent pour la reconstruction, on a donné le jeu gratuitement pour que les gens puissent le télécharger et puis je me suis dit “mais c’est dommage, ce jeu Assassin’s Creed c’est un jeu pour les plus de 18 ans et puis il y a des gens qui n’ont pas obligatoirement envie d’y jouer, il faut qu’on trouve un moyen de faire visiter Notre-Dame au grand public aussi”. Et j’ai demandé à mon équipe d’extraire le modèle 3D du jeu pour le passer en réalité virtuelle et de permettre à n’importe qui, des familles entières, des enfants, des personnes âgées, n’importe qui, de visiter Notre-Dame et on a une expérience qui dure 4 minutes dans laquelle on marche dans Notre-Dame dans une zone de 3m par 3m. On marche dans Notre-Dame, et on a accès à une dizaine de points de vue différents. En termes de son, on a en plus un enregistrement fait sur l’orgue de Notre-Dame par Olivier Latry six mois avant l’incendie et c’est bluffant. Et à partir de là, donc ça c’est disponible pour le grand public, si vous avez un casque vous pouvez le télécharger et l’essayer gratuitement, le montrer aussi aux acteurs du chantier qui ont été bluffés par l’émotion. Tout le monde parle d’émotion quand on teste cette expérience. On l’a mise aussi dans la crypte archéologique de Notre-Dame donc ça fait quelques mois que c’est dans la crypte. Donc là pareil c’est accessible au grand public.

Et puis l’année dernière, on a commencé à discuter avec Jean-Jacques Annaud autour de son projet de film. On avait envie de faire quelque chose ensemble et au lieu de développer un jeu traditionnel sur PC, sur consoles pour jouer à la maison, on s’est dit “non, on va faire une expérience immersive, collective, collaborative et pour du location based, pour du divertissement in situ, hors foyer” . Et on a une expérience qui est en développement, là le développement est bientôt terminé, où c’est un escape game en réalité virtuelle qui dure 1h qui se joue à 2 au 4 personnes et dans lequel on doit sauver la couronne d’épines donc trouver le coffre, ouvrir le coffre, c’est du puzzle game comme dans les escape game. Et puis on doit lutter contre l’incendie avant qu’il soit trop tard, avant que le compteur tourne. Et pour ça, ça a été génial parce que Jean-Jacques Annaud qui est un conteur fantastique a pris le temps de nous raconter l’incendie, il a aussi partagé le scénario, on a visité le lieu de tournage à Saint-Denis et puis mon équipe a aussi été invitée plusieurs fois sur le tournage du film sur plusieurs séquences pour s’imprégner en fait vraiment de l’ambiance du film puisqu’il a reproduit l’incendie, pour discuter aussi avec les professionnels qui travaillent dessus. Et puis comme on veut pousser le réalisme au maximum, on a aussi invité les pompiers qui étaient au feu ce jour-là, qui ont combattu, qui étaient les héros du sauvetage de Notre-Dame. On les a invités à venir tester l’expérience en développement pour qu’ils nous aident à ajuster en termes de langage, d’attitude, d’événements pour être le plus proche possible de la réalité. Il se trouve qu’on a déjà 3 escape game en réalité virtuelle qui existent qui sont sur des thèmes Assassin’s Creed en Grèce, en Egypte et Prince of Persia qui sont des licences d’Ubisoft basées sur des jeux et on a pour ça un réseau de 600 partenaires dans le monde qui opèrent ces escape game. Donc vous venez comme sur n’importe quel escape game, vous payez votre place, vous pouvez aller avec des copains pour faire ces escapes à 2 ou à 4 personnes et là l’expérience Notre-Dame brûle va rejoindre ce réseau et puis on espère parce que le thème est plus large et parce que c’est notre-Dame et que tout le monde connaît Notre-Dame et tout le monde aura envie de la visiter et puis de vivre cette expérience-là. On espère qu’on a d’autres lieux qui ouvriront et qui pourront accueillir, en fait l’avantage de ces escape game c’est que c’est accessible vraiment pour tout le monde. Contrairement à un jeu qui peut être parfois un peu compliqué, où dont l’âge peut ne pas correspondre, là finalement on peut s’adresser à des familles entières. Et puis la différence entre un film et un jeu, c’est que dans le jeu on est acteur de ce qui se passe et donc là on vient vraiment sauver Notre-Dame donc ça va être très très complémentaire au film.

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