Anne Seibel, cheffe décoratrice

Dans le cadre du Paris Images 2022, Anne Seibel, cheffe décoratrice et directrice du département décor à la Fémis, revient sur son métier, sur le tournage d’Emily in Paris et sur l’évolution des formations.

Pouvez-vous me dire en quelques mots en quoi consiste votre activité ?

Mon métier s’appelle chef décorateur et cheffe décoratrice bien sûr. Je suis un proche collaborateur du réalisateur, en collaboration aussi avec le directeur de la photo pour créer l’univers visuel du film. Donc tout ce que touche les acteurs, tout ce qu’il y a derrière eux, tout le background et tout cet univers qui va servir la narration et dans lequel les acteurs vont évoluer. Et j’ai toute une équipe avec moi parce qu’on peut pas tout faire tout seul. J’ai toute une équipe de déco que je peux vous détailler si vous voulez mais dont les plus proches collaborateurs sont le chef constructeur, l’ensemblier, l’ensemblière et le premier assistant en France.

Vous avez récemment travaillé sur la série américaine Emily in Paris. Quels ont été les principaux challenges de ce tournage pour vous ?

Par rapport à un long-métrage, la série ce qui est plus compliqué c’est de gérer la logistique puisqu’il y a plusieurs réalisateurs, quelques fois

plusieurs directeurs de la photo. D’un point de vue artistique je traite la série comme un long-métrage mais d’un point de vue logistique, c’est un petit peu plus compliqué puisqu’on revient dans des décors et ce qui est le plus compliqué c’est de revenir dans des décors naturels. En studio, ça va mais revenir dans des décors naturels, on peut avoir des surprises. On peut ne plus pouvoir y tourner ou ça a été changé ou des choses comme ça et d’un point de vue logistique c’est compliqué.

Les plateaux de tournage se sont beaucoup digitalisés ces dernières années. Comment votre métier a évolué par rapport à ça ?

Pour l’instant, on a de plus en plus d’interventions des VFX ce qui ne me dérange pas, c’est un outil comme un autre. Dans ces séries que j’ai faites ou dans les longs-métrages, j’ai pas encore utilisé les virtual sets, tout ce qui est mur de LED et tout ça parce qu’au moment où j’ai voulu le faire c’était pas encore tout à fait au point, peut-être que ça va venir. Mais je trouve que le métier a d’autres outils en plus sans oublier de garder ceux d’avant aussi en dessin et tout ça. Mais ça c’est plutôt un atout et pour l’instant je ne le sens pas comme un danger en fait.

Les équipes font de plus en plus attention à respecter une démarche plus écologique pendant les tournages. Comment intégrez-vous l’écologie dans votre métier ?

Sur Emily in Paris par exemple, étant donné que ce sont des décors qui vont revenir l’année suivante, on a vraiment attaché beaucoup d’importance à la manière dont on construisait pour pouvoir les ranger proprement et économiser du bois, des choses comme ça. Mon chef constructeur est allé chercher du bois plutôt en France que dans les pays étrangers. Puis au niveau de la peinture aussi, il y a des machines pour laver les pinceaux qui sont beaucoup plus écoresponsables. Il y a plein de choses comme ça, des petites choses… ça commence tout doucement, on essaye de moins gâcher en anticipant un peu plus. C’est pas encore là mais ça va venir. 

Vous êtes également responsable du département décor à la Fémis. Quels sont les nouveaux enjeux des formations ?

Surtout dans mon département, je dirais que justement je pense qu’il faut à la fois garder cet enseignement classique du décorateur, assistant, tout ce qui est dessin à la main, dessin à l’ordinateur… mais aussi on a ouvert aux VFX et là je vais essayer de les sensibiliser aussi aux virtual sets parce que ça va venir de plus en plus donc il faut qu’ils soient parés à ça et qu’ils aient au moins une formation là-dessus pour montrer ce qui existe. Ça veut pas dire qu’ils vont pouvoir le faire eux-mêmes et surtout il y a beaucoup beaucoup de séries donc pas juste le long-métrage mais aussi comment on travaille comme chef déco sur une série donc j’essaye, au fur et à mesure que les technologies avancent et que les choses changent, d’adapter l’enseignement, de changer les programmes, de faire ça et puis surtout j’essaye de faire en sorte que tous les intervenants d’un film comprennent bien ce que c’est que la déco parce qu’il y a des départements où ils ne savent même pas. Parfois en production ils ne savent pas ce que coûte un décor, ils ne savent pas ce qu’on fait donc je m’attèle à faire en sorte qu’il y ait une collaboration entre tous les départements à la Fémis pour expliquer ce qu’on fait et quels sont les avantages aussi, ça peut être un avantage de communiquer. C’est vraiment une collaboration.

Interview réalisée par Fanny Hubert

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